Sermon du vendredi 08 mai 2020, prononcé par Sa Sainteté le Calife, Hadrat Mirza Masroor Ahmad, à la mosquée Moubarak, à Islamabad, Tilford au Royaume-Uni. Après le Ta’awudh, le Tashahoud et la Sourate Al-Fatiha, Sa Sainteté le Calife a déclaré :
J’évoquerai aujourd’hui Khabbab Bin Al-Aratt, un compagnon de Badr. Il appartenait à la tribu des Banou Sa’d Bin Zayd. Son père se nommait Aratt Bin Jandala et son nom d’emprunt était Abou ‘Abdillah ou Abou Muhammad ou encore Abou Yahya selon d’autres. Il a été vendu comme esclave à La Mecque, à l’Epoque de l’Ignorance (l’époque préislamique). Khabbab était l’esclave d’Outbah Bin Razwan. Selon d’autres il était l’esclave de Oumm ‘Ammar al-Khouza’iyyah. Il est devenu l’allié des Banou Zouhra : il était le sixième parmi les tout premiers à se convertir à l’islam. Il était parmi les tout premiers à l’annoncer et à endurer par la suite des tourments des plus terribles.
Khabbab avait embrassé l’islam avant que le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) ne se rendît au Dar al-Arqam s’y proclamer prophète.
Moujahid présente les tout premiers à répondre à l’appel du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) et à l’annoncer aux autres : « Abou Bakr, Khabbab, Souhayb, Bilal, ‘Ammar et Soumayya, la mère d’Ammar. Allah avait accordé la protection au Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) par l’entremise de son oncle Abou Talib ; et Abou Bakr était protégé par sa tribu. »
Le rédacteur de ce texte présente ici un angle particulier de ces faits. Il a omis un point ici qu’il est nécessaire de préciser. Certes, le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) jouissait de la protection de son oncle, mais il n’a pas été à l’abri de la persécution par les polythéistes de La Mecque. Ni Abou Bakr, d’ailleurs. L’histoire en est témoin. Ils ont été tous deux la cible de persécutions. Abou Talib l’en a été, lui aussi.
Le rédacteur ajoute que ces derniers ont été à l’abri de ces persécutions. C’est là son opinion. L’histoire par contre nous informe que ni le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) ni Abou Bakr n’étaient à l’abri de ces oppressions.
Le rédacteur du texte opine qu’ils étaient tous deux à l’abri mais que les autres ont dû porter des chaînes de fer et qu’on les plaçait sous un soleil des plus brûlants. Ils ont enduré la chaleur du soleil et des fers tant que Dieu l’avait souhaité.
Cha’bi relate que Khabbab a fait montre d’une grande patience. Il n’a pas plié à la demande des Kouffar qui lui demandait de répudier l’islam. Sur ce, ils ont placé sur son dos des pierres brûlantes, tant et si bien qu’il en perdait la chair de son dos. C’est là un récit tiré d’Ousd al-Ghâbah.
Il y un récit sur Khabbab en relation avec la conversion d’Oumar Bin Al-Khattab. Hazrat Mirza Bashir Ahmad en fait mention en détail dans son ouvrage Sirat Khatamun-Nabiyyin : « Quelques jours seulement s’étaient écoulés après l’acceptation de Hamzah, quand Allah l’Exalté bénit les musulmans d’une autre bonne nouvelle : ‘Oumar qui était un ennemi acharné, accepta l’islam. L’histoire de son acceptation est très intéressante. »
Beaucoup en ont entendu parler et ont lu à ce propos. Je présente ici ces détails car ils sont importants dans l’histoire de ce compagnon.
« ‘Oumar était dur de tempérament mais il s’était endurci encore davantage en raison de son inimitié envers l’islam. Par conséquent, avant d’accepter l’islam, ‘Oumar tourmentait âprement les pauvres et les faibles musulmans en raison de leur conversion à l’islam. Mais quand ses persécutions l’épuisaient et qu’il ne voyait aucun signe de leur reniement de l’islam, il pensa en finir avec le fondateur même de ce « mal ». Alors, il saisit son épée et partit à la recherche du Saint Prophète. Lorsqu’il était en cours de route, quelqu’un le vit marchant avec une épée dégainée à la main, et lui demanda : « O ‘Oumar, où vas-tu ? ». ‘Oumar répondit : « Je m’en vais tuer Muhammad ! » L’autre commenta : « En le tuant, seras-tu à l’abri des ires des Banou ‘Abdi Manāf ? Pourquoi ne t’occupes-tu pas de ta propre maison ? Ta sœur et ton beau-frère ont accepté l’islam ! » ‘Oumar retourna immédiatement et se dirigea vers la maison de sa sœur, Fatimah. En s’approchant de la maison, il entendit le son de la récitation mélodieuse du Saint Coran par Khabbab bin Al-Aratt. Quand ‘Oumar entendit cette voix, sa colère s’intensifia. Il entra dans la maison. Dès que Khabbab entendit ses pas, il se cacha quelque part, et Fatimah, la sœur d’Oumar, cacha les pages du Saint Coran ici et là. Lorsqu’Oumar entra, il cria : « J’ai entendu dire que vous avez répudié votre [ancienne] foi ! » Ensuite, il attaqua son beau-frère Sa’id bin Zayd. Fatimah fut également blessée alors qu’elle tentait de s’intercaler pour sauver son mari et elle dit très courageusement : « Oui, ‘Oumar ! Nous sommes devenus musulmans. Fais ce que tu veux, nous n’abandonnerons pas l’islam ! » ‘Oumar était un homme très sévère, mais ce voile de dureté recelait une touche d’amour et de tendresse qui montrait ses couleurs en certaines occasions. Lorsqu’il entendit les paroles courageuses de sa sœur, il lui jeta un coup d’œil et remarqua alors qu’elle était couverte de sang. Cette vue laissa une impression particulière sur son cœur. Après un court silence, il dit à sa sœur : « Montre-moi le texte que vous autres lisiez. » « Je ne le ferai pas, répondit Fatimah, car tu le détruiras ! » ‘Oumar répondit : « Non, non ! Montre-les-moi. Je te les rendrai. » « Mais tu es impur, commenta Fatimah, et le Coran doit être touché dans un état de pureté. Prend d’abord un bain et ensuite tu pourras les lire. » Elle souhaitait sans doute que le bain calmât ‘Oumar complètement, après quoi il pourrait réfléchir plus tranquillement. Quand ‘Oumar avait pris son bain, Fatimah plaça devant lui les pages du Coran. Il les saisit et lut les premiers versets du chapitre Ta Ha. ‘Oumar commença à les lire avec un cœur ému : chaque mot impressionna profondément le cœur de cet homme à la nature objective. En lisant, ‘Oumar tomba sur les versets suivants :
إِنَّنِي أَنَا اللَّهُ لَا إِلَهَ إِلَّا أَنَا فَاعْبُدْنِي وَأَقِمِ الصَّلَاةَ لِذِكْرِي – إِنَّ السَّاعَةَ آَتِيَةٌ أَكَادُ أُخْفِيهَا لِتُجْزَى كُلُّ نَفْسٍ بِمَا تَسْعَى
« En vérité, Je suis Allah ; il n’y a de dieu que Moi. Adore-Moi donc, et observe la Prière pour te souvenir de Moi. Assurément, l’Heure viendra ; Je suis sur le point de la manifester afin que chaque âme soit récompensée pour ses efforts. » (20 : 15-16)
Quand ‘Oumar récita ce verset, ses yeux s’ouvrirent et sa bonne nature, latente, fut soudainement réveillée. Il dit spontanément : « Quelle belle et sainte parole ! »
Lorsque Khabbab entendit ces mots, il sortit immédiatement de sa cachette, remercia Dieu et dit : « Ceci est le fruit de la prière du Messager d’Allah ! Par Dieu, hier même que j’ai entendu le Saint Prophète supplier : « O Allah ! Bénis soit ‘Oumar bin Al-Khattab ou ‘Amr bin Hicham (signifiant Abū Jahl) par l’islam. »
Chaque moment devenait maintenant difficile pour ‘Oumar. (Il ne pouvait plus demeurer là après avoir entendu cette parole et après avoir reconnu le statut du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.).) Il dit à Khabbab : « Montre-moi le chemin de Muhammad ! Dans son excitation, il garda son épée dégainée. Le Saint Prophète était au Dar al-Arqam : Khabbab lui en indiqua l’emplacement. ‘Oumar partit là-bas et frappa bruyamment à la porte. Lorsque les compagnons regardèrent à travers la fente de la porte, ils virent ‘Oumar tenant une épée dégainée : ils furent donc réticents à ouvrir la porte. Mais le Saint Prophète dit : « Ouvrez la porte ! ». Hamzah déclara également : « Ouvrez-la ! S’il est venu avec de bonnes intentions, tant mieux. Et si ses intentions sont mauvaises, par Allah, je lui couperai la tête avec son épée ! »
La porte s’ouvrit et ‘Oumar entra, l’épée dégainée à la main. En le voyant, le Saint Prophète s’avança et saisissant le manteau d’Oumar, le tira en disant : « O ‘Oumar ! Avec quelle intention es-tu venu ici ? Par Allah ! Je vois que tu n’as pas été créé pour le châtiment d’Allah. » « O Messager d’Allah, répondit, ‘Oumar, je souhaite devenir musulman ! » En entendant cela, le Saint Prophète, dans son bonheur, annonça : « Allāhou Akbar ! » et ses compagnons en firent de même à tue-tête, tant et si bien qu’ils firent résonner les montagnes de La Mecque. »
Khabbab relate : « Nous avons évoqué au Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) les souffrances que nous subissions. Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) était assis sur son manteau, adossé à la Ka’bah. Nous lui avons dit : « N’allez-vous pas demander l’aide d’Allah en notre faveur ? N’allez-vous pas implorer Dieu en notre faveur en raison de ces persécutions ? » Il a répondu : « On avait creusé un trou pour un de vos devanciers. On l’y avait ensuite placé et on avait apporté une scie. On l’avait posé sur sa tête et on l’avait tranchée en deux. Mais il n’avait pas pour autant répudié sa foi. On sépara sa chair de ses os avec des peignes de fer, sans qu’il n’abandonnât sa foi pour autant. Par Allah ! Allah parachèvera ma mission (c’est-à-dire le but pour lequel j’ai été suscité et il y aura ensuite une période d’aisance) tant et si bien qu’un voyageur voyagera de Sana’a jusqu’à Hadramaut (deux villes yéménites distantes de 347 kilomètres), sans craindre quiconque hormis Allah. Ou il craindra uniquement que les loups s’attaquent à ses chèvres. Or, vous êtes impatients. Cette tâche exige la patience. »
Ceci est un récit tiré du recueil d’Al-Boukhari.
Voici une autre version de ce récit. Khabbab relate : « Je me suis présenté au Saint Prophète Muhammad (s.a.w.). Il était allongé sous un arbre, la tête posée sur la main. Je lui ai demandé : « O Prophète d’Allah ! N’allez-vous pas prier pour nous, contre ce peuple qui pourrait nous détourner de notre religion ? » Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) a détourné son visage de moi à trois reprises. À chaque fois que je lui posais cette question il détournait son visage. Mais la troisième fois, il s’est levé et s’est assis ; puis il a déclaré : « Craignez Allah et soyez patients ! Par Allah ! Parmi les croyants qui vous ont devancés on avait placé une scie sur la tête de l’un et on l’a tranché en deux. Mais il n’a pas pour autant abjuré sa foi. Craignez Allah ! Il vous ouvrira la voie et vous accordera le succès. »
Khabbab relate : « J’étais un forgeron et ‘Âs Bin Wâ’il me devait de l’argent. Je suis parti lui réclamer mon argent et il m’a répondu : « Je ne te rembourserai pas tant que tu ne répudies pas Muhammad (s.a.w.) (c’est-à-dire que tu n’annules pas l’allégeance que tu lui as prêtée) ! » Khabbab a répondu : « Je ne le rejetterai jamais, même si tu devais mourir et être ramené à la vie. » C’est-à-dire qu’il est impossible que je le renie.
‘Âs Bin Wâ’il a répliqué : « Après ma mort, lorsque je serai ramené à la vie et que je retournerai auprès de mes biens et de mes enfants, je te rembourserai ! » C’est-à-dire qu’il ne le rembourserait jamais. Khabbab relate : « Ce verset a été révélé à son propos :
أَفَرَأَيْتَ الَّذِي كَفَرَ بِآَيَاتِنَا وَقَالَ لَأُوتَيَنَّ مَالًا وَوَلَدًا ۞ أَطَّلَعَ الْغَيْبَ أَمِ اتَّخَذَ عِنْدَ الرَّحْمَنِ عَهْدًا ۞ كَلَّا سَنَكْتُبُ مَا يَقُولُ وَنَمُدُّ لَهُ مِنَ الْعَذَابِ مَدًّا ۞ وَنَرِثُهُ مَا يَقُولُ وَيَأْتِينَا فَرْدًا
As-tu vu celui qui refuse de croire à Nos Signes, et dit : « Des biens et des enfants me seront certainement donnés. » A-t-il eu accès à l’invisible ou a-t-il pris un engagement avec le Dieu Gracieux ? Pas du tout ! Nous consignerons par écrit ce qu’il dit, et Nous prolongerons grandement le châtiment pour lui. Et Nous hériterons de lui tout ce dont il parle, et il viendra à Nous, tout seul. (19 : 78-81)
Khabbab était un forgeron et fabriquait des épées. Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) avait une grande affection pour lui et se rendait souvent chez lui. Quand la propriétaire de Khabbab a su que le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) venait chez lui, elle a placé des fers chauds sur sa tête. Il travaillait le fer et le mettait dans le fourneau. Sa propriétaire a ainsi donc mis des fers chauds sur sa tête. Khabbab s’en est plaint au Saint Prophète Muhammad (s.a.w.). Il a prié : « O Allah ! Aide Khabbab ! » En conséquence, Oumm ‘Ammar, la propriétaire de Khabbab a été affectée d’une maladie à la tête et elle s’est mise à hurler comme un chien. Elle demandait qu’on applique du fer chaud sur sa tête. Khabbab accédait à sa demande. Elle ne savait plus quoi faire et Khabbab lui appliquait le fer chaud sur la tête.
Abou Layla Al-Kindi relate que Khabbab s’était présenté au Calife ‘Oumar qui lui avait demandé de se rapprocher de lui, car nul autre que lui ne méritait d’être assis là, hormis ‘Ammar bin Yasir. Khabbab a montré au Calife ‘Oumar sur son dos les blessures infligées par les polythéistes. C’est un récit d’Al-Tabaqât Al-Koubra.
Un autre récit détaillé mentionne les blessures qu’il avait reçues aux reins. Cha’bi relate : « Khabbab se rendit auprès du Calife ‘Oumar Bin Al-Khattab, qui l’a placé sur son siège et lui dit : « Sur toute la terre, hormis une personne [un compagnon], personne d’autre ne mérite cet honneur. » Khabbab a demandé : « Qui est-ce, ô Emir des Croyants ? » « Il s’agit de Bilal, » répondit ‘Oumar.
Khabbab a commenté : « O Emir des Croyants ! Il n’est pas plus méritant que moi. Quand Bilal était entre les mains des polythéistes, il avait du soutien, grâce auquel Dieu le sauvait. Personne ne me protégeait quant à moi. Un jour les gens m’ont attrapé et ont allumé un feu pour m’y jeter. On m’a mis sur du charbon ardent et un individu avait placé son pied sur ma poitrine. C’étaient mes reins qui m’avaient protégé du sol brûlant. » Ou il aurait déclaré : « Mes reins avaient refroidis le sol. » Ensuite, il a enlevé sa chemise pour montrer son dos qui était blanchâtre comme atteint par la lèpre. On l’avait mis sur des charbons ardents et il n’y avait rien pour refroidir ces charbons hormis sa peau et sa graisse qui ont fondu.
Selon Cha’bi, ‘Oumar Bin Al-Khattab avait demandé à Khabbab de décrire les persécutions qu’il subissait entre les mains des polythéistes. Il a relaté : « O Emir des Croyants ! Regardez mon dos. » Quand ‘Oumar l’a regardé il s’est exclamé : « Je n’ai jamais vu un dos pareil ! » Khabbab relate : « On allumait un feu sur lequel on me tirait. Hormis la graisse de mes reins, rien n’éteignait ce feu. »
Hazrat Mouslih Maw’oud (r.a.) a commenté sur Khabbab en ces termes. « Les esclaves étaient les plus persécutés parmi ceux qui avaient accepté le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.). Khabbab Bin Al-Aratt était un esclave qui travaillait comme forgeron. Il avait cru dans le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) au tout début. Les gens le persécutaient âprement et on le plaçait sur les charbons de son fourneau en mettant aussi des pierres sur sa poitrine, afin qu’il ne pût pas bouger. Ceux qui lui devaient de l’argent avaient refusé de le lui rendre. En dépit de ces tourments financiers et physiques, il n’avait pas vacillé pour un seul instant. Il était ferme dans sa foi. Les traces sur son dos étaient restées visibles jusqu’à la fin de ses jours. À l’époque du califat d’Oumar, il a évoqué ses malheurs d’antan et le Calife lui a demandé de lui montrer son dos. Quand il a enlevé son vêtement, ‘Oumar a vu son dos recouvert de taches blanchâtres ressemblant à celles de la lèpre. »
Hazrat Mouslih Maw’oud (r.a.) relate : « Un jour le dos de Khabbab, un esclave et un des tout premiers musulmans, était à nu. Ses compagnons ont vu que son dos ne ressemblait pas à celui d’un être humain mais à celui d’un animal. Ils en ont été tout effrayés et ont demandé : « De quelle maladie souffrez-vous ? » Khabbab a ri et a déclaré : « Il ne s’agit pas d’une maladie mais d’un souvenir de l’époque où nous, les esclaves nouvellement convertis à l’islam, étions tirés par les Arabes de La Mecque sur le sol dur et rocailleux. Nous avons subi cette persécution de manière continuelle : c’est pour cette raison que mon dos est devenu ainsi. »
Ces tout premiers musulmans, dont la plupart étaient des esclaves, avaient été persécutés après leur conversion à l’islam. Khabbab, comme nous venons de l’entendre, était allongé sur du feu et parfois traîné sur des pierres. Ils ont enduré toutes ces souffrances et quand l’islam a progressé, Allah les a récompensés et leur a conféré l’honneur en ce monde.
Hazrat Mouslih Maw’oud en fait mention dans le récit suivant. Le Calife ‘Oumar s’était rendu à La Mecque au cours de son Califat. Les chefs de la ville, qui appartenaient à des illustres familles, sont venus à sa rencontre. Ils se sont dits que le Calife ‘Oumar connaissait très bien leurs familles : étant donné qu’il est le souverain, il honorera nos familles, se sont-ils dits, et nous pourrons retrouver notre gloire d’antan. Ils se sont présentés et ont entamé la conversation avec le Calife. A peine ont-ils commencé à converser que Bilal s’est présenté. Peu de temps après, Khabbab est arrivé lui aussi. Et tous les esclaves convertis de la première heure se sont présentés à tour de rôle. Ces derniers étaient les esclaves de ces chefs Mecquois ou de leurs parents, et ceux-ci les persécutaient âprement lorsqu’ils étaient au faîte de leur pouvoir. Le Calife ‘Oumar a accueilli avec honneur chaque esclave : ‘Amr, Khabbab, Bilal et les autres. Et il a demandé aux chefs de La Mecque de s’écarter pour faire de la place devant, tant et si bien que ces jeunes chefs ont été recalés peu à peu jusqu’à la porte. À l’époque, il n’y avait pas de grandes salles. Il s’agissait peut-être d’une toute petite chambre : étant donné qu’elle ne pouvait pas accueillir tout le monde, ces chefs ont dû reculer au point de se retrouver à proximité des chaussures.
Les chefs de La Mecque ont été profondément vexés quand ils se sont retrouvés tout près des chaussures et quand ils ont vu de leurs yeux chaque esclave se présenter et prendre sa place au devant, tandis qu’ils recevaient l’ordre de s’écarter. Allah a fait en sorte que ces musulmans qui étaient naguère les esclaves des mécréants se sont succédés. Si les chefs avaient dû s’écarter une seule fois, ils ne l’auraient pas autant ressenti. Mais étant donné qu’ils ont dû faire place à maintes reprises, ils n’ont pu l’endurer plus longtemps et sont sortis. À l’extérieur, ils ont commencé à se plaindre : « Nous avons été humiliés aujourd’hui ! On nous a écartés après l’arrivée de chaque esclave. Tant et si bien que nous nous sommes retrouvés parmi les chaussures ! » Un jeune parmi eux a demandé : « À qui la faute ? Celle d’Oumar ou de nos aïeux ? ‘Oumar n’est point fautif ici. C’est de la faute de nos aïeux si nous sommes punis aujourd’hui. Lorsqu’Allah a envoyé son Prophète, nos parents se sont soulevés contre lui. Mais ces esclaves l’ont accepté et ont enduré de gaîté de cœur toute persécution. Si aujourd’hui nous avons été humiliés, la faute nous incombe et pas à ‘Oumar. »
Les autres ont répondu : « Nous acceptons que c’est la faute de nos aïeux. Existe-t-il de moyen pour effacer la tache de cette humiliation ? » Ils ont conclu qu’ils n’avaient pas de réponse et qu’ils en demanderaient la solution au Calife ‘Oumar. Ils se sont présentés au Calife et lui ont dit : « Comme nous, vous savez bien comment nous avons été traités aujourd’hui. ‘Oumar de répondre : « Pardonnez-moi ! Je n’y pouvais rien, car ces gens étaient honorés en la compagnie du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.), (bien qu’ils fussent jadis vos esclaves). J’étais tenu de les honorer. »
Les jeunes ont répondu : « Nous savons que nous sommes fautifs. Mais existe-t-il un moyen d’effacer cette humiliation ? »
Hazrat Mouslih Maw’oud (r.a.) ajoute : « Aujourd’hui, nous ne sommes pas à même d’imaginer le statut et l’influence dont jouissaient ces chefs à La Mecque. Mais le Calife ‘Oumar, était pleinement au courant de leur situation familiale. Il était né à La Mecque : il y avait grandi et il savait à quel point les aïeux de ces jeunes étaient honorés dans la ville. Personne n’avait le courage de les regarder en face : il connaissait aussi la peur et le respect qu’ils inspiraient. Lorsqu’ils ont prononcé ces paroles, tous ces faits se sont déroulés devant les yeux d’Oumar : il en a été tout ému tant et si bien qu’il n’arrivait plus à parler. Il a levé sa main et a indiqué dans la direction du nord. « Dans cette direction, vers la Syrie, dit-il, des armées musulmanes sont en guerre : si vous participez dans ces batailles, cela pourra vous servir d’expiation. » Les fils de ces chefs sont donc partis et se sont joints à la bataille. »
Hazrat Mouslih Maw’oud (r.a.) ajoute : « L’histoire nous apprend qu’aucun d’entre eux n’est retourné vivant. Ils sont tous tombés en martyrs et ont effacé la tache de l’humiliation qui ternissait le nom de leur famille. »
Des sacrifices sont requis : ceux qui avaient fait des sacrifices au commencement ont été honorés, mais ceux qui sont venus plus tard (qui n’en avaient pas fait avant), ne pourront effacer leur humiliation qu’à travers des sacrifices. Lorsque Khabbab et Miqdad bin ‘Amr ont immigré à Médine, ils ont résidé chez Koulthoum bin Al-Hidam : ils y sont restés jusqu’au décès de Koulthoum, qui est décédé peu de temps avant que le Saint Prophète (s.a.w) ne parte pour Badr. Ils sont ensuite allés chez Sa’d bin ‘Oubadah où ils sont restés jusqu’à la victoire en l’an 5 de l’Hégire contre les Banou Qouraydhah.
Le Saint Prophète (s.a.w) avait établi un lien de fraternité entre Khabbab et Tamim, l’esclave affranchi de Khirach bin Al-Simmah. Selon un autre récit, il avait établi un lien de fraternité entre Khabbab et Jabir bin ‘Atiq. Selon ‘Allama Ibn ‘Abdil Barq, le premier récit est le plus exact. Khabbab avait participé aux batailles de Badr, d’Ouhoud, et du Fossé aux côtés du Saint Prophète (s.a.w.) et également aux autres qui suivirent.
Abou Khalid a déclaré : « Un jour nous étions assis dans la mosquée, lorsque Khabbab est venu et s’est assis en silence. Les gens lui ont fait remarquer que ses amis étaient rassemblés près de lui, afin qu’il puisse s’adresser à eux, ou leur commander quelque chose. Khabbab a répondu : « Que puis-je leur commander de faire ? J’ai peur de leur demander de faire ce que moi-même je ne fais pas. » Ces personnes avaient une telle crainte d’Allah et une telle Taqwa.
‘Abdoullah bin Khabbab rapporte de son père qu’un jour, le Saint Prophète (s.a.w.) a dirigé la prière, et elle était très longue ; les gens lui ont dit par la suite : « O Messager d’Allah, vous n’aviez jamais dirigé de prière aussi longue par le passé ! » Le Saint Prophète (s.a.w.) a répondu : « Cette prière était une prière d’amour et de peur. J’ai demandé trois choses à Allah dont Il m’en a accordé deux, mais pas la troisième. J’ai demandé à Allah de ne pas anéantir ma communauté par la famine : Allah y a répondu favorablement. J’ai demandé à Allah qu’aucun ennemi ne soit imposé sur mon Oummah de parmi ses rivaux : Allah y a également répondu favorablement. » En effet, la communauté [musulmane] est toujours établie en tant que telle ; si d’aucuns ont le dessus sur les musulmans, la faute en incombe aux gouvernements qui laissent cela avoir lieu. Malgré tout, l’Oummah du Saint Prophète (s.a.w.) est toujours là aujourd’hui en tant que communauté par la grâce d’Allah. Il a ensuite ajouté : « J’ai demandé à Dieu que les gens de ma communauté ne se battent pas entre eux ; mais Allah n’y a pas répondu favorablement. »
On peut en voir les conséquences aujourd’hui : les musulmans sont en proie au sectarisme ; ils se lancent des fatwas de mécréance.
Tariq rapporte qu’un groupement de compagnons du Saint Prophète (s.a.w.) avait rendu visite à Khabbab lorsqu’il était malade. Ils le consolèrent en lui disant : « O Abou ‘Abdillah, réjouis-toi, car tu es sur le point de rencontrer dans l’Au-Delà les illustres compagnons trépassés auprès de la fontaine d’Al-Kauthar. » Khabbab a répondu : « Vous avez fait mention des frères qui nous ont quittés. Ceux qui nous ont devancés dans l’autre monde n’ont pas profité des bienfaits d’ici-bas. Nous sommes encore là après eux, et avons tout obtenu de ce monde ; or nous craignons qu’il ne s’agisse là de l’intégralité des récompenses de nos actions passées. »
Il craignait d’avoir obtenu toutes ses récompenses en ce monde même.
Khabbab a souffert d’une grave et très longue maladie.
Haritha bin Moudrib a rapporté : « Je me suis rendu auprès de Khabbab pour prendre de ses nouvelles. Il avait sept cicatrices en raison de ses traitements. Je l’ai entendu dire : « Si je n’avais pas entendu le Saint Prophète (s.a.w.) dire qu’il n’était pas autorisé à quiconque de souhaiter la mort, je l’aurai souhaitée. » » Voilà à quel point il souffrait.
Son linceul fut apporté, il était fait d’ailleurs d’un tissu très fin qui provenait de l’Egypte. Il fondit en larmes en le voyant, et a ajouté : « Hamza, l’oncle du Saint Prophète (s.a.w.) n’avait eu qu’un simple drap si court que lorsqu’on lui couvrait les pieds, sa tête était à découvert et lorsqu’on lui couvrait la tête, ses pieds étaient mis à nus, au point qu’on avait dû recouvrir ses pieds de feuilles d’Idhkhir (l’herbe à chameau). Je ne possédais à l’époque du Saint Prophète (s.a.w.) ne serait-ce qu’un dinar ou un dirham. » Il ne possédait rien, aucun dinar, aucun dirham ; il n’avait pas un sou. Il ajouta : « Or, aujourd’hui, ce coffre gisant dans le coin de ma maison contient quarante milles dinars. J’ai peur qu’Allah m’ait accordé toutes mes récompenses ici-bas. »
Khabbab a déclaré : « J’ai émigré avec le Saint Prophète (s.a.w.). Nous ne désirions que le contentement d’Allah l’Exalté, et nous avons laissé Allah juger de nos récompenses ; certains d’entre nous sont décédés sans avoir profité des récompenses d’ici-bas : Mous’ab bin ‘Oumayr en faisait partie. Et pour certains d’entre nous, nos fruits ont mûri et nous les cueillons. Mous’ab était tombé en martyr lors de la bataille d’Ouhoud et nous n’avions qu’un drap pour son linceul. Lorsqu’on lui couvrait la tête, ses pieds étaient mis à nus, et lorsqu’on lui couvrait les pieds, sa tête était à découvert. Le Saint Prophète (s.a.w.) nous ordonna de couvrir sa tête et de mettre de l’herbe d’Idhkhir sur ses pieds. »
Zaid bin Wahab a déclaré : « Nous étions en compagnie d’Ali au retour de la bataille de Siffin. Lorsqu’il arriva aux portes de Koufa, et vit qu’il y avait sept tombes à sa droite. ‘Ali demanda à qui appartenaient ces tombes. Les gens répondirent : « O Amir al-Mouminîn, après votre départ pour Siffin, Khabbab est décédé. Dans son testament, il avait fait part de son souhait d’être enterré en dehors de Koufa. » Il était de coutume là-bas, d’enterrer les hommes dans les cours ou à côté des portes des maisons. Mais lorsque les gens ont vu que Khabbab avait émis le souhait d’être enterré à l’extérieur, ils ont également commencé à enterrer leurs proches à l’extérieur. ‘Ali répondit : « Qu’Allah fasse miséricorde à Khabbab. Il avait embrassé l’islam avec beaucoup d’amour et d’engouement, et il avait émigré par la suite en faisant preuve d’obéissance, et mena la vie d’un vaillant Moujahid ; il a été éprouvé physiquement. Allah ne laisse pas partir aux quatre vents la récompense de ceux qui accomplissent de bonnes œuvres. » ‘Ali se rendit près des tombes et dit : « Que la paix soit sur vous, ô vous qui reposez ici, et qui êtes croyants et musulmans. En nous devançant, vous allez préparer notre venue, et nous allons vous suivre et vous rencontrer prochainement. O Allah, pardonne-nous et pardonne-leur ; pardonne-nous tous en effaçant nos péchés. Que se réjouissent les personnes qui gardent l’Au-Delà à l’esprit, dont les actions sont guidées par la conscience qu’ils doivent en rendre des comptes, et qui se contentent de ce qui comble leurs besoins et dont Allah est satisfait. »
‘Ali avait fait cette supplication sur place. Khabbab est décédé en l’an 37 de l’Hégire, à l’âge de 73 ans.
Original Link: https://www.islam-ahmadiyya.org/sermons-2020-menu/898-khabbab-bin-al-aratt-compagnon-de-badr.html